lundi 22 mars 2021

Un monde propre et lisse

La cérémonie des Césars a fait l’objet d’un déferlement de critique ; comme l’année dernière mais pour de toutes autres raisons. J’ai regardé cette cérémonie aimant le cinéma, j’aime voir ce qui se produit pendant une année.
Bon! il y a eu un côté politique, Marina Foix n’est pas du genre à faire dans la dentelle mais le côté acide fait du bien dans ce politiquement correct.
J’ai été un peu choqué quand Corinne Masiero s’est mise nue, mais c’est bien d’être choqué par moment.
Ce qui me choque de façon négative ce sont les réactions des biens pensants.
Gérard Jugnot y est allé de sa critique en disant que ce n’est pas le lieu de faire de la politique.
Lui, c’est sûr, ne doit pas subir la crise, il est à l’abri, mais beaucoup d’autres dans ce métier se retrouvent à poil, il n’a pas compris la métaphore.
Il vieilli, mal, on pourrait résumer la vie de Jugnot en deux mots « Comment passer de clown à vieux con ».Bizarre que tous ces gens, déconneurs il y a plus d’une trentaine d’année deviennent des donneurs de leçon.
Du genre « nous on a bien vécu, on a dit pas mal de conneries mais là, il faut arrêter ! »  Non seulement on parle de Boomers car ils ont profité un maximum mais ils interdisent aux jeunes la liberté de parole.Je suis d’une génération Canal+ et, en ce moment, je me sens dans un pays étranger.
Aujourd’hui, la chaine se ferait critiquer tous les jours par ces minorités virulentes.
Nous sommes coincés dans un puritanisme, dans des dictats d’associations qui interdisent au lieu de permettre ; qui rendent la vie terne au lieu de l’enjoliver.
L’heure est à la censure, surtout ne rien dire qui soit mal interprété sinon la sentence arrive.
La sanction est du même type à chaque fois : Raciste, sexiste, islamo gauchiste,  complotiste; ce dernier c’est l’attaque imparable, après être traité de cet adjectif on ne peut plus rien dire surtout ne pas essayer de se défendre c’est pire.
En fait on en arrive à ce qu’écrivait Orwell en inventant un nouveau dictionnaire.
Le but était d’avoir des mots pour s’exprimer mais que ces mots ne transpirent ni l’émotion ni la critique ni un point de vue.
Pour les biens pensants c’est l’idéal, on enlève le genre des mots, on en bannit d’autres on oublie « malheur » pour dire « nonbonheur »  etc.
(lire 1984).
Un jour nous nous exprimerons avec des onomatopées ma préférée est "bêêê!".

Qui sont tous ces juges ? Pourquoi ce sont eux qui régissent notre vie ? Qui nous enlèvent même nos plaisirs de gamins quand on regardait les dessins animés.
Maintenant on rhabille betty boop, on enlève le fusil à Elmer parce que ce n’est pas bien ; bon on le remplace par une hache, c’est mieux car il est plus facile de se procurer une hache qu’un fusil pour un terroriste, d’où la connerie de ces censeurs.
On va revisiter toutes les créations pour épurer le mal de l’intérieur. A-t-on pensé que lorsqu’il n’y aura plus d’histoire, plus d’art  ce sera le vide dans les cerveaux?  A-t-on pensé que l’interdit attire toujours et qu’on accouchera  d’une  génération de frustrés potentiellement dangereux? 

Alors on repartira pour un cycle de vraie violence, pas verbale celle-là.

mercredi 10 mars 2021

Ouvrier!

  Il sort de l’usine, son vélo à la main. La cohorte des fourmis courbées le suit, le poids d’une journée de labeur sur leurs épaules. Certains, surtout les jeunes sourient, blaguent entre eux, savourant déjà les heures de liberté qu’on leur permet. Les plus vieux ont perdu ce regard, dans leurs yeux on peut lire la résignation. Ils savent ce que ces jeunes vivront et espèrent que leur vie n’est déjà pas toute tracée.

Nous connaissons les sorties d’usine,  elles ont même été filmées dans un premier court métrage de cinéma ; les travailleurs y étaient mis en lumière (sans jeu de mots)

Le pire quand on rentre chez soi après une journée de travail à la chaine, est qu’on n’a rien a raconté à ses proches. Serrer un boulon pendant huit heures n’est pas racontable, on sent même une honte. Travailler à la chaine peut avoir deux sens ; la chaine dont on est le maillon qui fait qu’au bout une chose est fabriquée ; c’est aussi la chaine de l’esclave. Maintenant on nous attache à la machine, la presse, par mesure de sécurité.

Le travailleur aura vécu toute sa vie dans cette ambiance faite de bruit, de rythme, de peur que la chaine s’arrête à cause de lui.  Il aura juste le temps d’aller aux toilettes, le contremaître regardant son chronomètre. Le chronomètre justement ; depuis que l’usine existe, le temps a pris son importance, il égrène les secondes rythmant les gestes des ouvriers ; ces gestes que l’on exécute chaque instant. Combien de secondes dans une journée de travail? Combien d’ouvriers ont dû les compter ? Une ouvrière déclarait « j’en arrive à préférer le travail répétitif, il me permet de penser à autre chose, penser au repas de ce soir, aux enfants etc. »  J’ai apprécié ce dessin où les ouvriers, embauchant, laissaient leur tête au vestiaire pour ne la reprendre qu’une fois le travail fini. J’y pensais à chaque fois que je prenais le travail à l’usine.

Bien sûr l’ouvrier repense à tous ses ancêtres qui se sont battus pour avoir un peu plus de liberté, de considération. Ils ont vécu eux, le vrai esclavage, les douze, seize heures de travail journalier. Le manque d’attention, moins que pour la machine. La main d’œuvre, elle est là, il n’y qu’à se baisser, la machine, elle, a un coût. Si quelques grèves pointent, on fait appel à l’armée pour remettre de l’ordre. Au dix neuvième siècle, des barricades se sont dressées, tout de suite réprimées ; 3000 morts en 1848, 7000 en 1871 (commune).  Des travailleurs se sont sacrifiés pour se faire entendre mais l’élite avait les moyens de les faire taire. L’orage passé, le cours tranquille reprenait. L’industriel faisant toujours de plus en plus de profit.

A la fin du siècle dernier on a commence à parler de travailleurs précaires cela n’a fait que de s’accentuer. N’est-ce pas une machination encore des puissants pour juguler d’éventuels soulèvements, La précarité devenant un endormissement de la volonté de se battre.

Petit à petit on a changé les mots, l’embauche est devenue demande d’emploi, les rôles se sont inversés, c’était tout bénéfice pour l’employeur qui revoyait à la baisse les salaires. Maintenant on ne parle plus de travailleur, ce mot est chargé de révolte, donc on scinde, on range, on cloisonne les gens dans des catégories hermétiques. Afin de les contrôler.

Les hommes naissent libres et égaux, foutaise ! Ce slogan a été trouvé par des nantis pour des nantis. Les fils, petits fils de ces industriels ont repris le flambeau. Ils sont sur un trône doré alors qu’ils n’ont rien accompli, cette vie ils la doivent aux gens qui ont donné leur sueur et leur vie. Les fils, petits fils des ouvriers ont, eux aussi, suivis la trace de leur père. Où est l’égalité ? Les différences ne cessent de se creuser les uns devenant de plus en plus riches, les autres plus pauvres encore. Maintenant les ouvriers travaillent pour les actionnaires et si les rendements financiers ne sont pas assez bons on délocalise, laissant sur le bord de la route les employés qui ont participé à l’essor de l’entreprise. Nos gouvernants, ignorants , pensent qu’il faut aider ces entreprises croyant naïvement à un ruissellement hypothétique.  Combien a-t-on donné de milliards à des sociétés qui sont partie à l’étranger ?

Aujourd’hui l’ouvrier n’existe plus, les robots l’ont remplacé. Ces robots ne font pas grève ils travaillent 24h/24. Il serait justice qu’une partie des bénéfices soit reversée à l’état pour subvenir au besoin de ses travailleurs laissés au bord de la société.

A voir sur Arte : Le temps des ouvriers!

vendredi 12 février 2021

Un inconnu meurt!

 Le vent froid s’engouffre dans la ruelle, il soulève des voiles neigeux qui virevoltent jusqu’à s’amasser contre un tas de cartons. Les gens pressés, emmitouflés dans leur cache-nez, absorbés par la pensée d’un foyer chaleureux qui les attend, ne remarquent pas les cartons.

 S’ils avaient pris le temps, ils auraient remarqué que le carton bougeait, non à cause du vent mais parce qu’il y a une âme à l’intérieur. Paulo a construit son petit nid pour la nuit, il fait -7°, -13 ressenti ; alors il est allé au supermarché prendre des cartons supplémentaires. Vêtu de  trois couches de vêtements en plus d'une vieille gabardine, Il essaye d’aménager son lit empêchant le zéphyr de pénétrer, chose impossible. Le samu-social est venu lui offrir une place dans un gymnase, Paulo a refusé. Il y est allé 2/3 fois et on l’a volé à chaque fois. Oh ! Pas grand-chose, sa fortune est maigre, mais on lui a pris son portefeuille ; dedans il y avait la photo de sa fille et sa femme, depuis le souvenir de leur visage s’étiole. Bientôt il ne s’en souviendra plus. Il a accepté la soupe que les bénévoles lui ont donné se brûlant en l’avalant trop vite.

Maintenant qu’ils sont partis, Paulo s’installe.

Faisant son nid, il retrace le parcours de ces dernières années. Pas glorieux ! Il se souvient des matins partant au travail. Il embrasse ses deux enfants et sa femme et prend le métro avec son sac en bandoulière contenant le repas du midi préparé par Jeanne ; il le mangera à la cantine de l’usine. Le soir il rentrera fatigué mais heureux de retrouver les siens.

Un jour il est convoqué chez le contremaitre qui lui apprend que l’entreprise a besoin de dégraisser, les polonais « coûtent » moins cher, alors on le remercie. Le dégraissage, son corps va le subir. Il s’inscrit au chômage et attend. Aucune proposition. Petit à petit Les regards commencent à lui peser il se sait jugé même par sa fille. Il entend les reproches de sa  belle mère au téléphone avec sa femme. Ses voisins le regardent d’un autre œil comme s’il n’était plus fréquentable, que le chômage était contagieux. Comment a-t-on pu lui inoculer ce sentiment de culpabilité? Alors il dégringole. Après deux ans d’errance dans l’appartement, sans ressource, il ne veut plus être une charge. Il prend une petite valise et part.

Voila sa vie résumée en quelques lignes. Il va connaître la vraie errance, celle où la déchéance annihile la fierté, il fait la manche, dort dans la rue. Aujourd’hui il n’a même plus de papiers. Le sommet de la décrépitude arrive lorsque tu n’es même plus un numéro dans la société, tu coupes le dernier lien avec les humains et tu rejoins le monde animal.

Paulo engoncé dans son habitacle reste les yeux ouverts, il a peur !

Ce matin à la télé Bruno Le Maire tout frais rasé, costard cravate déclame ses vérités à l’interviewer. « Il va falloir faire des économies drastiques dans le service public pour rembourser la dette ! » le journaliste acquiesce.  Des économies cela fait 20 ans qu’ils en font, ils ont détruit, laminer le service public. Ils ont donné des milliards aux grandes entreprises qui délocalisent, génèrent des chômeurs, de la pauvreté. On nous parle de ruissellement, encore un nouveau mot, un élément de langage, les managers sont forts dans la rhétorique, ils inventent des nouveaux mots pour araser les choses. On ne parle plus de licenciement mais de restructuration, c’est plus propre, les employés deviennent des collaborateurs. La finalité reste la même. Où sont passés les milliards que nous, contribuables, donnons.  Paulo crève dans son carton le ruissellement ne l’atteindra pas.

Une démocratie peut elle générer huit millions de pauvres sans se poser les bonnes questions. On se gausse de mots républicains comme « Liberté, égalité, fraternité »  Paulo pourrait se révolter, il a tout bien fait ; pourtant il est sur le trottoir avec au-dessus de lui cette devise gravée sur le fronton de l’école. Pourquoi a-t-on inventé ce terme de « travailleur pauvre » ? C’est inacceptable. Paulo, lui, est réduit à un sigle « sdf », vite dit pour ne pas s’y arrêter. On en parle de temps en temps mais entre deux infos, comme une virgule, pour reprendre le souffle de l’actualité. Pour les bien pensant c’est un empêcheur de bien vivre Paulo; il fait tâche dans le paysage ; il n’avait qu’à  traverser la rue pour trouver du boulot.

Un pays ayant 300 000 sans abris peut-il être nommé pays riche et évolué. Riche pour qui ?

Quand Bruno Le Maire nous parle d’économies combien de gens va-t-il mettre à la rue ? Je ne lui donne pas mes impôts pour qu’il laisse nos semblables au bord de la route, sur le trottoir. Je n’entendrais aucune excuse. La mondialisation, l’ultra libéralisme jette les gens dont il n’a plus besoin et s’en va faire du profit ailleurs, laissant sur le carreau ceux qui ont participé à la création de ces entreprises. Ces monstres qui en veulent toujours plus. Ces lamineurs de vie.

Dans son carton Paulo a toujours les yeux ouverts, il a froid, il a peur. Peur de s’endormir et ne pas se réveiller.

 Peur de s’en aller inconnu.

mardi 2 février 2021

Expert!

 Ce matin la télé déverse son flot d’information comme d’habitude. Elle ne se lasse pas, ne regarde pas en arrière ne se critique pas non plus, elle avance. Elle raconte inlassablement des nouvelles plus ou moins vraies, plus ou moins vérifiées.

Aujourd’hui,  il y a un « expert » qui a fait des études politiques. Etant jeune je me demandais comment on pouvait faire des études pour être politologue, cela me semblait si simple d’expliquer les comportements des acteurs politiques. Je comparais ce travail aux « journalistes » de gala ou détective enfin la presse people.

En fait c’est un métier facile qui est devenu essentiel sur les grandes chaines de télévision. On peut dire tout et son contraire, on est toujours là. Le genre de phrase « ce qu’il faut comprendre » « ce qu’il a voulu dire » sont vides de sens. Le spectateur n’a pas besoin qu’on lui dise ce qu’il faut penser.

Il faudrait compiler sur plusieurs années les pensées de ces experts et on verrait qu’ils peuvent dire blanc un jour et noir le lendemain sans vergogne.  Mais la vie continue, pas grave les téléspectateurs avalent la potion.

Les chercheurs, il y a longtemps, travaillaient dans leur labo, leur bureau, ils publiaient leurs travaux dans des revues scientifiques, ils écrivaient des livres aussi. Maintenant la plupart passe leur temps sur les plateaux des médias. Ils sont là pour faire du remplissage, quand l’intervention est finie on a l’impression de ne pas avoir avancé et surtout de n’avoir rien appris.

De plus certains sont marqués politiquement, vous avez l’impression d’écouter un membre d’un parti. Si vous êtes chercheurs même en politique vous devez avoir assez de recul pour ne pas prendre parti, sinon vous n’êtes qu’un invité sur une chaine pour affirmer un discours cohérent avec la ligne rédactionnelle.

Ce qui est plus gênant ce sont les chercheurs scientifiques, comme les épidémiologistes qui fleurissent en ce moment sur les antennes. Comment peut-on se prétendre expert quand on prend position oubliant l’éthique de son métier, quand votre collègue dit exactement le contraire sur une chaine concurrente. La médecine n’est pas une science exacte, il est vrai, mais il doit y avoir un minimum de consensus. Concernant une épidémie, le corps médical devrait être soudé,  parler d’une voix ; là on a l’impression qu’il patauge autant que les décideurs politiques.

Si les politiques au pouvoir sont responsables, surtout quand ils nous mentent, les experts en médecine n’ont aucune excuse. Ils nous ont baladés en nous disant que la  Covid était une grippette, qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Ces atermoiements nous ont fait perdre un temps fou au début, nous on fait perdre  des vies. Qu’à cela ne tienne, ils sont toujours là. Il devrait y avoir une description de l’intervenant, nous disant où il travaille, s’il est affilié à un laboratoire, un groupe influent. On nous parle de lobby mais ils sont présents sur les mainstreams à visage découvert sans nous le dire.

Voilà, puis on nous fait une émission « vrai ou fake » pour nous dire que ceux qui contestent sont dans le complot ou dans un populisme affligeant. Pour nous affirmer qu’une info est un fake on nous montre un expert justement ou un ministre qui affirme le contraire.

Nous ne sommes pas dans le monde de 1984 de Orwell mais petit à petit ….

vendredi 29 janvier 2021

Le fleuve disparu

 Amadou part avec son bidon sur la tête. Le soleil se lève, il se presse avant que la chaleur fige les êtres dans leur torpeur. Il a cinq km à faire aller retour. Son souci c’est la pompe, il espère ne pas la trouver en panne.

 Pendant son parcours il longe cette ferme entourée de barbelés, il ne comprend pas pourquoi il ne peut regarder. L’autre jour il s’est arrêté pour voir ce qu’il y avait derrière cette clôture électrique; une Jeep est arrivée deux minutes plus tard et des hommes armés et masqués lui ont fait signe de dégager. En levant la tête il a aperçu une caméra sur un poteau. Cela attise sa curiosité.

Derrière cette barrière si Amadou pouvait voir, il y a des champs verts plus grands que des terrains de foot. La différence c’est qu’ils sont ronds. Une armature de métal, armée de petits arroseurs tourne sans arrêt irriguant les cultures.

Amadou passe vite son chemin depuis qu’on l’a réprimandé ; il ne veut pas d’histoire et pour aller à l’école il doit faire vite. Ses pas soulèvent de petits nuages de sable, il n’a pas connu le temps ou le fleuve abreuvait cette vallée. Les alluvions nourrissaient la terre et le vert repeignait le paysage. Des bœufs y paissaient pendant la saison des pluies. Amadou ne sait pas ce qu’est un fleuve, il a bien vu une carte au tableau de la classe, ces longues stries bleues qui rejoignent la mer ; mais la couleur ne lui suffit pas pour s’imaginer que de l’eau pouvait courir sur le sable.

Derrière les barrières, les machines pompent le précieux liquide, elles vont à plusieurs km de profondeur là ou il y a des lacs d’eau douce. Ces machines sont assoiffées elles remontent inlassablement cette eau pour la propulser dans les arroseurs. Nous pourrions croire que l’eau retourne à la terre mais une grande partie s’évapore, une autre reste dans les cultures exportées vers des pays lointains et le peu restant se perd dans cette terre aride.

Arrivé au puits Amadou soupire de soulagement en entendant le ronronnement de la pompe, il remplit son bidon et le met sur sa tête. De l’eau lui tombe sur son corps le rafraichissant ; il sourit à la pensée qu’il gagnera du temps avec cette douche improvisée. Son souci justement est de ne pas perdre l’or qu’il a sur le crâne, il est vital pour la famille. Il ne sait pas que ce qu’il charrie deviendra la chose la plus précieuse au monde ces prochaines années.

Derrière les barrières, des hommes s’affairent à cueillir les cultures, les mettre dans les cageots, les charger dans des camions qui eux aussi soulèveront la poussière en passant dans le village d’Amadou. Il suffirait qu’un de ces camions apportent  de l’eau à la citerne du village tous les jours pour qu’Amadou puisse assister à tous les cours. Mais voilà l’eau des profondeurs n’appartient à personne sauf à ceux qui ont les moyens.

Bientôt toute l’eau du lac souterrain sera pompée. Il ne restera qu’une poche vide sous terre, déjà au Etats unis des crevasses comme des petits canyons apparaissent car la terre s’effondre. Là bas ils ont déjà tout pompé depuis longtemps laissant derrière eux des déserts, des villes fantômes. Le Colorado, à bout de souffle, de sang dans son artère n’arrive plus à l’océan, si vous passer par là vous verrez le dernier ruisseau se perdre dans le désert.

L’eau est un circuit disent certains, peut être mais ces lacs souterrains sont là depuis toujours, le Colorado aussi et l’homme a réussit à les assécher. Les lacs et les fleuves ne se régénéreront pas.

samedi 23 janvier 2021

Là où il y a du rêve.

Naveed à 10 ans, endormi sur sa couche, il est dans un autre monde, dans ses rêves. Sa mère le secoue : «  Il est six heures ! Dépêche-toi tu vas être en retard! ». Il se frotte les yeux pour quitter cet univers où il se sentait bien.

Naveed part au travail, il à une dure journée devant lui, dix heures de travail, il émet un petit sourire, dix ans, dix heures. Il connait le chiffre dix, il a été un peu à l’école, à peine deux ans mais ses parents sont pauvres et n’ont pas de quoi nourrir leurs trois enfants. Il travaille à la tannerie, avec plein de gosses comme lui, à journée entière il charrie les peaux, les mettant sur sa tête. Ces peaux sont lourdes et son cou lui fait mal ; parfois il plonge dans la piscine pour laver ce cuir encore plein de poil. Naveed côtoie aussi les produits toxiques qui sont déversés dans la rivière.

Ici on emploi des gamins car on les paie dix fois moins cher, décidément ce chiffre, une fixation.

Naveed ne se plaint pas, le soir il va voir son meilleur copain qui, lui, a la chance d’aller à l’école. Ce dernier lui raconte les histoires qui sont dans son livre.

Le vendredi, seul jour de repos. Naveed doit aller chercher de l’eau de plus en plus loin à cause de la pollution. Le reste de la journée il peut jouer.

Le rêve de Naveed est d’avoir des chaussures de foot. Ironie du sort, ces chaussures sont faites du cuir qu’il transporte toute la journée, pour l’instant il joue pieds nus.

La vie suit son cours chaotique, comme la rivière qui charrie les poissons morts.

Un jour, un homme vient les voir à leur lieu de travail, il leur dit qu’il faut qu’ils aillent à l’école. Ça, Naveed en était conscient, mais là où une lueur d’espoir apparait, c’est quand le type leur dit qu’il est là pour les aider. Ce dernier s’est mis d’accord avec leur patron pour les laisser une heure par jour aller à l’école.

Rejwan demande aux parents si Naveed pourrait seulement travailler le matin et aller à l’école après. Les parents rechignent, le père est vieux et fatigué. Après palabres et concessions la mère est d’accord.

Le rêve de Naveed commence à prendre forme, à l’école justement on lui montre des chaussures de foot et on lui apprend qu’elles sont faites du cuir qu’il travaille. Rejwan leur dit qu’il veut faire une équipe de foot. Naveed est ravi.

Combien d’enfants travaillent dans le monde, dans les mines, les usines, les tanneries. Certainement qu’en cherchant sur Google on peut trouver, je vous laisse chercher car c’est mieux que de ne lire qu’un chiffre probable qui ne veut rien dire si on ne le compare pas à d’autres. Mais la question qui tue est combien de Rejwan tous ces enfants rencontrent-ils, ça je ne pense pas que Google le sache. Je ne me hasarderais à en annoncer un chiffre, je pense que je serais même trop optimiste.

Je suis allé en inde en voyage, un jour voyant un enfant tirer une charrette de bon matin ; je me suis fait une réflexion : Quelle distance! des années lumières nous séparent. J’ai jugé qu’il faut que certains matins, je repense à ce garçon ne serait-ce que pour ne pas l’oublier.

Quand, petit, je me plaignais, ma mère disait qu’il y avait toujours plus malheureux que nous. C’était une phrase facile, pas très optimiste, d’ailleurs elle ne me consolait pas trop. Il vaut mieux tirer les gens vers le haut comme le fait Rejwan plutôt que de leur dire regarde plus malheureux que toi.

Les hommes sont égaux nous dit l’évangile, les enfants ne le sont déjà pas dans leurs rêves. Ils ne le seront jamais dans la réalité.